Un amour ne meurt jamais (extrait du livre)

Encore quelques gardes avant ma semaine de vacances du mois d’avril.

Je m’en souviens d’une particulièrement.

La soirée s’annonçait plaisante, peu de patient, la possibilité de rentrer en détail dans le dossier du patient.

Arrive un charmant monsieur de quatre-vingts ans environ, alcoolisé et ayant chuté. Son problème majeur ? il prenait un fluidifiant sanguin. Il était bien, Glasgow quinze comme nous disons dans notre jargon, sans signe de focalisation ni d’hypertension intracrânienne. Il nous confessait ses verres de trop


« Vous savez, j’ai fait l’armée, aimé une femme pendant quarante ans, elle m’a quitté il y a un an. Elle est morte rapidement. Je suis seul maintenant, ma bouteille et moi. Je serais heureux quand je la rejoindrais ».


J’avais presque de la peine. J’essaie de ne jamais ressentir comme le patient, juste avec lui mais pas comme lui.

Il revenait juste du scanner cérébral avant qu’on ne le suture. Il avait en effet une plaie de trois centimètres au niveau de l’arrière de la tête. Je suis appelé au box de suture sur mon téléphone


« Viens vite ! il se dégrade là, il a des nausées ».


Pourtant il était encore glasgow quinze avant de partir pour la couture !


« J’arrive tout de suite ».


J’ai juste eu le temps de prévenir ma chef, jeune et réactive. Je marche rapidement pour une fois, ce n’est pas mon habitude.

J’arrive au box et vois le guerrier allongé ne répondant pas aux ordres simples en dehors de légers bruits de gorge.

C’est une grande pièce, bien éclairée, avec une radio au fond. Je me souviens parfaitement de ce détail car nous entendions à ce moment « Happy Ending » de Mika.

Il ne fait que retirer notre main avec faiblesse quand nous penchons sa tête pour éviter l’inhalation.

Ses yeux sont inchangés. L’homme se dégrade, nous devons prendre une décision de traitement rapidement. Les neurochirurgiens, les réanimateurs sont tenus informés immédiatement.

En cinq minutes, il était passé d’un Glasgow quinze à Glasgow trois.

Nous recevons l’appel de la radiographie nous informant d’une hémorragie cérébrale massive inondant les citernes.

Dans le jargon, ce n’est pas bon signe... La radio change de titre, toujours avec plus de culot Andrea Bocelli commence à chantonner « Vivi per lei ». La situation est rocambolesque.

Le neurochirurgien et les réanimateurs montent en scène. Le verdict est sans appel : vus son âge, ses antécédents, la gravité de la maladie, aucune chirurgie ne sera faite. En effet, il risque des complications importantes.

Nous l’avons soulagé, il n’a pas souffert.

La musique s’est éteinte avec le patient.

Il a rendu l’arme et a retrouvé sa belle.

En moins de dix minutes, nous reprenons comme si de rien n’était.

Est admis un autre patient, un jeune d’une vingtaine d’années pour rectorragie.

 

 

Partagez cette Perle...

Submit to FacebookSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn